B U R E A U O F P U B L I C S E C R E T S |
Dans le décor spectaculaire,
le regard ne rencontre
que les choses et leur prix.
Métro, boulot, dodo.
Et cependant tout le monde
veut respirer et personne ne
peut respirer et beaucoup disent « nous respirerons plus tard ».
Et la plupart ne meurent pas car ils sont déjà morts.
Lennui est contre-révolutionnaire.
Nous ne voulons pas dun
monde où la certitude de ne pas mourir
de faim séchange contre le risque de mourir dennui.
Nous voulons vivre.
Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend.
Dans une société
qui abolit toute aventure, la seule aventure possible
cest labolition de cette
société.
Lémancipation de lhomme sera totale ou ne sera pas.
Ceux qui font les révolutions à moitié ne font que se creuser un tombeau.
Pas de replâtrage, la structure est pourrie.
Le masochisme aujourdhui prend la forme du réformisme.
Réforme mon cul.
La révolution est incroyable parce que vraie.
Je suit venu. Jai vu. Jai cru.
Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi !
Vite !
Pourvu quils nous laissent le temps...
En tout cas pas de remords !
Déjà dix jours de bonheur.
Vivre au présent.
Camarades, si tout le peuple faisait comme nous...
On ne revendiquera rien, on
ne demandera rien.
On prendra, on occupera.
À bas lÉtat.
Quand lassemblée
nationale devient un théâtre bourgeois, tous les théâtres bourgeois doivent devenir
des assemblées nationales.
[À lentrée de lOdéon.]
Plebicit : quon dise oui quon dise non il fait de nous des cons.
Il est douloureux de subir les chefs, il est encore plus bête de les choisir.
Ne changeons pas demployeurs, changeons lemploi de la vie.
Ne me libère pas, je men charge.
Je ne suis au service de
personne
(pas même du peuple et encore moins de ses dirigeants) ;
le peuple se servira tout seul.
Abolition de la société de classes.
La Nature na fait ni
serviteurs ni maîtres,
je ne veux donner ni recevoir dordres.
Un bon maître, nous en aurons un dès que chacun sera le sien.
« Dans la révolution,
il y a deux sortes de gens :
ceux qui la font, et ceux qui en profitent. »
(Napoléon)
Attention : les
arrivistes et les ambitieux peuvent se travestir
en prenant un masque « socialard ».
Ne nous laissons pas bouffer
par les politicards et
leur démagogie boueuse. Ne comptons que sur nous mêmes.
Le socialisme sans la liberté, cest la caserne.
Tout pouvoir abuse. Le pouvoir absolu abuse absolument.
Nous voulons les structures
au service de lhomme
et non pas lhomme au service des structures.
La révolution nest pas
seulement celle des comités
mais avant tout la vôtre.
La politique se passe dans la rue.
La barricade ferme la rue mais ouvre la voie.
Notre espoir ne peut venir que des sans-espoir.
[ou L'espoir nous est donné par les sans-espoir.]
Est prolétaire celui qui
na aucun pouvoir sur lemploi de sa vie
et qui le sait.
Ne travaillez jamais.
Les gens qui travaillent sennuient quand ils ne travaillent pas. Les gens qui ne travaillent pas ne sennuient jamais.
Travailleurs de tous les pays, amusez-vous !
[Workers of all countries, enjoy!]
Depuis 1936, je me
suis battu pour des revendications de salaire;
mon père, avant moi, s’est battu pour des revendications de salaire.
J’ai la T.V., un refrigérateur, une Volkswagen.
Au total, je n’ai jamais cessé davoir une vie de con.
Ne négociez pas avec les patrons. Abolissez-les.
Le patron a besoin de toi, tu nas pas besoin de lui.
Cest en arrêtant nos
machines dans lunité que
nous démontrons leur faiblesse.
Occupation des usines.
Tout le pouvoir aux conseils ouvriers (un enragé).
Tout le pouvoir aux conseils enragés (un ouvrier).
Travailleur : tu as 25 ans mais ton syndicat est de lautre siècle.
Les syndicats sont des bordels.
Camarades, lynchons Séguy !
Veuillez laisser le
Parti communiste aussi nette en en sortant
que vous voudriez le trouver en y entrant.
[Please leave the Communist Party as
clean on leaving it
as you would like to find it on entering.]
Staliniens, vos fils sonts avec nous !
Lhomme nest ni le
bon sauvage de Rousseau,
ni le pervers de léglise et de La Rochefoucauld.
Il est violent quand on lopprime, il est doux quand il est libre.
« Le combat est père
de toute chose. »
(Héraclite)
Si besoin était de recourir à la force, ne restez pas au milieu.
Soyons cruels.
Lhumanité ne sera
heureuse que le jour où le dernier capitaliste
aura été pendu avec les tripes du dernier bureaucrate.
Quand le dernier des sociologues aura été pendu avec les tripes du dernier bureaucrate, aurons-nous encore des « problèmes » ?
La passion de la destruction
est une joie créatrice.
(Bakounine)
Un seul week-end non
révolutionnaire est infiniment
plus sanglant quun mois de révolution permanente.
Les larmes des Philistins sont le nectar des dieux.
Cela nous concerne tous.
[ou Cela te concerne aussi./This concerns everyone.]
Nous sommes tous des juifs allemands.
Nous refusons dêtre H.L.M.isés, diplomés, recensés, endoctrinés, sarcellisés, sermonnés, matraqués, télémanipulés, gazés, fichés.
Nous sommes tous des « indésirables ».
Nous devons rester « inadaptés ».
[We must remain "unadapted."]
La forêt précède lhomme, le désert le suit.
Sous les pavés, la plage.
Le béton éduque lindifférence.
[ou le bâton, daprès quelques sources]
Ici, bientôt, de charmantes ruines.
Belle, peut-être pas, mais ô combien charmant. La vie contre la survie.
« Je me propose
dagiter et dinquiéter les gens.
Je ne vends pas le pain mais la levure. »
(Unamuno)
Le conservatisme est synonyme de pourriture et de laideur.
Vous êtes creux.
Vous finirez tous par crever du confort.
Cache-toi, objet !
Non à la révolution en cravate.
Une révolution qui demande
que lon se sacrifie pour elle
est une révolution à la papa.
La révolution cesse dès linstant quil faut se sacrifier pour elle.
La perspective de jouir
demain ne me consolera
jamais de lennui daujourdhui.
Quand les gens saperçoivent quils sennuient, ils cessent de sennuyer.
Le bonheur est une idée neuve.
Vivre sans temps mort.
Ceux qui parlent de
révolution et de lutte des classes sans se référer
à la réalité quotidienne parlent avec un cadavre dans la bouche.
La culture est linversion de la vie.
La poésie est dans la rue.
La plus belle sculpture, cest le pavé quon jette sur la gueule des flics.
Lart est mort, ne consommez pas son cadavre.
Lart est mort, libérons notre vie quotidienne.
Lart est mort. Godard ny pourra rien.
Godard : le plus con des Suisses pro-chinois !
Vibration permanente et culturelle.
Nous voulons une musique
sauvage et éphémère.
Nous proposons une régénération fondamentale :
grève de concerts
des meetings sonores : séances dinvestigation collectives
suppression du droit dauteur,
les structures sonores appartiennent à chacun.
Lanarchie, cest je.
Révolution, je taime.
À bas le sommaire, vive
léphémère.
Jeunesse Marxiste Pessimiste.
Ne consommons pas Marx.
Je suis marxiste tendance Groucho.
Je prends mes désirs pour la
réalité
car je crois en la réalité de mes désirs.
Désirer la réalité, cest bien ! Réaliser ses désirs, cest mieux !
Prenez vos désirs pour des réalités.
Je décrète létat de bonheur permanent.
Soyez réalistes, demandez limpossible.
Limagination au pouvoir.
Manquer dimagination, cest ne pas imaginer le manque.
Imagination nest pas
don mais par excellence objet de conquête.
(Breton)
Laction ne doit pas être une réaction mais une création.
Laction permet de surmonter les divisions et de trouver des solutions.
Exagérer, cest commencer dinventer.
Lennemi du mouvement,
cest le scepticisme. Tout ce qui a été
réalisé vient du dynamisme qui découle de la spontanéité.
Ici, on spontane.
« Il faut porter en soi
un chaos
pour mettre au monde une étoile dansante. »
(Nietzsche)
Il faut systématiquement explorer le hasard.
Lalcool tue. Prenez du L.S.D.
Déboutonnez votre cerveau aussi souvent que votre braguette.
« Toute vue des choses
qui nest pas étrange est fausse. »
(Valéry)
La vie est ailleurs.
Oubliez tout ce que vous avez appris. Commencez par rêver.
Formons des comités de rêves.
Ôsons ! Ce mot renferme
toute la politique de cette heure.
(Saint-Just)
Debout les damnés de lUniversité.
Les étudiants sont cons.
Laptitude de
létudiant à faire un militant
de tout acabit en dit long sur son impuissance.
Les filles enragées.
Professeurs, vous nous faites vieillir.
Fin de lUniversité.
Violez votre Alma Mater.
Et si on brûlait la Sorbonne ?
Professeurs vous êtes aussi
vieux que votre culture,
votre modernisme nest que la modernisation de la police.
Nous refusons le
rôle qu’on nous assigne :
nous ne serons pas des chiens policiers.
[We refuse the role assigned to us: we will not be trained as police dogs.]
Nous ne voulons pas
être les chiens de garde
ni les serviteurs du capitalisme.
[We dont want to be the watchdogs or servants of capitalism.]
Examens = servilité, promotion sociale, société hiérarchisée.
Quand on vous examine, répondez avec des questions.
[When examined, answer with questions.]
Linsolence est la nouvelle arme révolutionnaire.
Tout enseignant est enseigné. Tout enseigné est enseignant.
La vieille taupe de lhistoire semble bel et bien ronger la Sorbonne. Télégramme de Marx, 13 mai 1968.
Une pensée qui stagne est une pensée qui pourrit.
Pour mettre en question la
société où lon « vit »,
il faut dabord être capable de se mettre en question soi-même.
Prenons la révolution au sérieux mais ne nous prenons pas au sérieux.
Les murs ont des oreilles. Vos oreilles ont des murs.
Construire une révolution
cest aussi briser
toutes les chaînes intérieures.
Un flic dort en chacun de nous, il faut le tuer.
Chassez le flic de votre tête.
La religion est l’escroquerie suprême.
[Religion is the ultimate con.]
Ni dieu ni maître.
Même si Dieu existait il faudrait le supprimer.
Savez-vous quil existait encore des chrétiens ?
À bas le crapaud de Nazareth.
Comment penser librement à lombre dune chapelle ?
Nous voulons un endroit pour pisser, non pour prier.
[We want a place to piss, not a place to pray.]
Dieu, je vous soupçonne dêtre un intellectuel de gauche.
La bourgeoisie na pas dautre plaisir que celui de les dégrader tous.
Les motions tuent lémotion.
Luttons contre la fixation affective qui paralyse nos potentialités. Comité des femmes en voie de libération.
Les réserves imposées au
plaisir excite
le plaisir de vivre sans réserve.
Plus je fais lamour,
plus jai envie de faire la révolution.
Plus je fais la révolution, plus jai envie de faire lamour.
SEXE : Cest bien, a dit Mao, mais pas trop souvent.
Camarades, 5 heures de
sommeil sur 24 sont indispensables :
nous comptons sur vous pour la révolution.
Embrace ton amour sans lâcher ton fusil.
Je taime !!! Oh! dites-le avec des pavés !!!
Je jouis dans les pavés.
Jouir sans entraves.
Camarades, lamour se fait aussi à Sc. Po, pas seulement aux champs.
Jeunes femmes rouges, toujours plus belles.
Zelda, je taime ! À bas le travail !
Les jeunes font lamour, les vieux font des gestes obscènes.
Make love, not war.
Qui parle de lamour détruit lamour.
À bas la société de consommation.
Consommez plus, vous vivrez moins.
La marchandise est lopium du peuple.
La marchandise, on la brûlera.
On achète ton bonheur. Vole-le.
Voir Nanterre et vivre.
Allez mourir à Naples avec le Club Méditerranée.
Etes-vous des consommateurs ou bien des participants ?
Être libre en 1968, cest participer.
Je participe.
Tu participes.
Il participe.
Nous participons.
Vous participez.
Ils profitent.
Lâge dor était lâge où lor ne régnait pas.
« Cest parce que
la propriété existe
quil y a des guerres, des émeutes et des injustices. »
(Saint Augustin)
Si tu veux être heureux pends ton propriétaire.
Millionnaires de tous les pays, unissez-vous, le vent tourne.
Léconomie est blessée, quelle crève !
Que cest triste daimer le fric.
Vous aussi vous pouvez voler.
« Amnistie : acte
par lequel les souverains pardonnent
le plus souvent les injustices quils ont commises. »
(Ambrose Bierce)
[La définition dans le Devils
Dictionary de Bierce
est plus précisément : « magnanimité de lÉtat envers les
contrevenants quil serait trop coûteux de punir ».]
Abolition de laliénation.
Lobéissance commence
par la conscience
et la conscience par la désobéissance.
Désobéir dabord : alors écris sur les murs (Loi du 10 Mai 1968.)
Jaime pas écrire sur les murs.
Écrivez partout !
Avant donc que décrire, apprenez à penser.
Je ne sais pas
quécrire mais jaimerais en dire
de belles choses et je ne sais pas.
On na... pas le temps décrire !!!
Jai quelque chose à dire mais je ne sais pas quoi.
La liberté, cest le droit au silence.
Vive la communication, à bas la télécommunication.
[Long live communication, down with telecommunication.]
Toi, mon camarade, toi que
jignorais derrière les turbulences,
toi jugulé, apeuré, asphyxié, viens, parle à nous.
Parlez à vos voisins.
Hurle.
Créez.
Regardez en face !!!
Participons au balayage. Il ny a pas de bonnes ici.
La révolution, cest une INITIATIVE.
Le discours est contre-révolutionnaire.
Bannissons les applaudissements, le spectacle est partout.
Ne nous attardons pas au
spectacle de la contestation
mais passons à la contestation du spectacle.
À bas la société spectaculaire-marchande.
À bas les journalistes et ceux qui veulent les ménager.
Seule la vérité est révolutionnaire.
Il est interdit dinterdire.
La liberté est le crime qui
contient tous les crimes.
Cest notre arme absolu.
La liberté dautrui étend la mienne à linfini.
Pas de liberté aux ennemis de la liberté.
Libérez nos camarades.
Ouvrons les portes des asiles, des prisons, et autres Facultés.
Ouvrez les fenêtres de votre coeur.
Les frontières on s’en fout.
On ne peut plus
dormir tranquillement dès qu’on
s’est subitement ouvert les yeux.
[You can no longer sleep quietly once youve suddenly opened your eyes.]
L’avenir ne contiendra que ce que nous y mettrons maintenant.
Ces graffiti sont tirés principalement de Limagination au pouvoir de Walter Lewino (Losfeld, 1968), Les murs ont la parole de Julien Besançon (Tchou, 1968), Paris 68 de Marc Rohan (Impact, 1968), Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations de René Viénet (Gallimard, 1968), Paris: May 1968 de Maurice Brinton (Solidarity, 1968), et Mai 1968 : brûlante nostalgie de Gérard Lambert (Pied de nez, 1988). Il s’agit des versions originales de la sélection que j’ai traduite en anglais. Dans quelques cas où je n’ai trouvé les graffiti que déjà traduits dans des publications anglais (notamment celle de Brinton) sans réussir à retrouver la version originale, jai dû retraduire la version anglaise en français (suivie de la version anglaise), en espérant que quelquun me communiquera la version originale exacte.
Une collection plus extensive des graffiti de Mai 1968 se trouve sur http://users.skynet.be/ddz/mai68.html.Anti-copyright.
[Traduction anglaise de ces graffiti]
[Traduction russe de ces graffiti]
[Graffiti du soulèvement anti-CPE]
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